Kafala et Adoption : quel accompagnement juridique en France ?

Il est fréquent que des familles de confession musulmane résidant en France souhaitent accueillir un enfant mais se heurtent à des obstacles juridiques complexes. D’un côté, la kafala – forme de recueil légal, reconnue dans les pays musulmans – et de l’autre, l’adoption simple ou plénière – établissant un lien de filiation – peuvent prêter à confusion. Ce sont, en effet, deux institutions distinctes, régies par des principes juridiques différents.

1. La Kafala : Une alternative à l’adoption dans les pays musulmans

La kafala (ou recueil légal) est un mécanisme de protection de l’enfant reconnu dans des pays appliquant le droit musulman. Elle permet ainsi à un tiers (kafil) de prendre en charge un enfant (makfoul) sans créer de lien de filiation. La Kafala pallie l’interdiction de l’adoption dans certains pays musulmans. Cette interdiction est mentionnée dans le Coran à la Sourate XXXIII, 4 : « […] Dieu n'a point fait de vos enfants adoptifs vos propres enfants. […]. ». Elle l’est également dans plusieurs législations nationales du Maghreb.

En Algérie , « L'adoption (tabani) est interdite par la charia et par la loi » ( article 46 du code algérien de la famille).

Au Maroc, « L'adoption (attabam) est juridiquement nulle et n'entraîne aucun des effets de la filiation parentale légitime » (article 149 du code de la famille, la Moudawana marocaine).

La Tunisie, contrairement à l’Algérie et au Maroc reconnaît l’adoption en son article 8 du code de la famille de 1958. L’article 9 en précise les contours : « L’adoptant doit être une personne majeure de l’un ou l’autre sexe, mariée, jouissant de la pleine capacité civile. Il doit être de bonne moralité, saint de corps et d’esprit et en mesure de subvenir aux besoins de l’adopté ».

La Kafala, consiste pour le Kafil, le tuteur légal, d’assumer l’entretien et la protection de l’enfant, avec des droits limités.

En droit tunisien, la kafala a été instituée par le code de la famille de 1958 : « La tutelle officieuse (la Kafala) est l’acte par lequel une personne majeure jouissant de la pleine capacité civile, ou un organisme d’assistance, prend à sa charge un enfant mineur dont il assure la garde et subvient à ses besoins » (article 3 du code de la famille).

L’Algérie, définit la Kafala comme : « l’engagement de prendre bénévolement en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un enfant mineur, comme le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal ». (article 116 code de la famille de 1984).

En droit marocain, la Kafala s’entend comme « l’engagement de prendre en charge sa protection, son éducation et son entretien au même titre que le ferait un père pour son enfant. La kafala ne donne pas de droit à la filiation ni à la succession » (article 2 de la loi n° 15-01 du 15 juin 2002).

La kafala légale, même lorsqu’elle est validée par un juge du pays d’origine, ne produit pas les mêmes effets que l’adoption française, notamment en matière de filiation et de nationalité.

2. L’Adoption Internationale en France : Une procédure complexe mais possible

En droit français, l’adoption d’un enfant étranger est strictement encadrée : L’article 370-3 alinéa 2 du Code civil dispose que : « […] L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi nationale prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France […] ».

La Cour de cassation française, dans son arrêt du 10 octobre 2006, avait ainsi refusé d’assimiler la kafala à une adoption, même simple.

En matière d'adoption internationale, le droit français établit donc une distinction fondamentale entre les enfants relevant de systèmes juridiques autorisant l'adoption et ceux issus de pays la prohibant, comme c'est le cas pour de nombreux États appliquant le droit musulman.

Le principe cardinal posé par l'article 370-3 du Code civil est sans équivoque. Cette règle connaît toutefois une exception notable. Lorsqu'un enfant initialement recueilli sous le régime de la kafala acquiert la nationalité française par déclaration, il échappe à l'application de sa loi personnelle d'origine et devient alors adoptable selon le droit français.

Cette particularité ouvre une voie juridique méconnue mais essentielle pour sécuriser le statut de ces enfants.

Le législateur français a prévu deux modalités d'adoption aux effets distincts. L'adoption simple, qui maintient certains liens avec la famille d'origine, peut être envisagée lorsque l'enfant a toujours un ou deux parents biologiques connus. À l'inverse, l'adoption plénière, créant une filiation exclusive et irrévocable, est réservée aux orphelins ou aux enfants judiciairement déclarés abandonnés.

Conclusion

Cette construction juridique soulève d'importants enjeux pratiques pour les familles concernées. La procédure d’adoption ou de Kafala relève d’une construction juridique délicate, impliquant plusieurs législations ; celle du pays d’origine de l’enfant, du pays de résidence des parents et du droit français.

Chaque dossier est unique.

Si vous envisagez d’adopter à l’international, de recueillir un enfant issu d’un pays appliquant la Kafala ou si vous rencontrez des difficultés quant à l’obtention d’un visa pour l’enfant, il est crucial d’être accompagné par un avocat expert en droit international privé. Notre cabinet vous accompagne à chaque étape de votre projet :

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Sabrina Benghazi
Associate